Le vide serait Quelque chose
Inutile de me coucher. Inutile de me lever. Inutile de penser. Inutile de lire. Inutile de parler. Inutile de me taire. Inutile de souhaiter de mourir. Inutile de souhaiter de vivre. Inutile de souhaiter de pleurer. Inutile de souhaiter de ne point sentir. Inutile de souhaiter de sentir mieux. Je pourrais me tenir seule, quelque part dans le silence. Je recule devant Blanchot, Mallarmé. Je me tiens seule, quelque part dans le silence, sans pouvoir. Je n’ai pas la tête, entourée. Je n’ai pas la gorge, brûlée. Je n’ai pas la voix, pas la poitrine, pas le corps, pas le toucher. Je pourrais être nue, quelque part sur le plancher. La fièvre serait tombée, au même instant que moi. Je devine que je pourrais me relever (tout doucement), me tenir debout, quelque part dans le silence, au-dessus du plancher. Au-dessus du plancher il y a moi, ce doit être mon Espace; quelque chose autour de moi (le vide n’existe pas). Je me tiens seule ici, inutile de me voir ailleurs; un autre silence, un autre sol, inutile de souhaiter. Je soupçonne l’existence de ce vide qui me soutient, un Élément qui ne serait ni l’air ni la terre, ni l’eau ni le feu. Un cinquième Élément qui n’est pas le vide et qui serait le vide, si le vide était Quelque chose. Le silence ne serait pas le négatif de la parole, le dénué de tout sens. Le silence dénué ne serait pas le dénué de sens (en me taisant se voit). — J’existe.