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La chambre
6 mai 2008

Finalement sans réponse, pour Lidia

Rodin1

Par le hasard sans doute de mon «oreille», ce soir, conduit à me demander qui je suis (ce soir). En ce moment précis, en admettant sans raison que je me doive d’être honnête, je dirais que je suis un sac de douleur, une pièce organique si déchirée que je tente, en vain, de trouver une «image», une «forme», un sac ou une pièce, pour contenir la douleur, la faire tenir ou l’arrêter (que je n’explose). Immédiatement je songe à Bacon, mais sans la force, sans la «couleur», sans la vie. Je ne sais ce que Bacon parvient à «transfigurer», de quel corps ne se trouvant nullement sur le tableau, de quelle «expérience», de quelle «vie». Ne sachant, ne pouvant voir ni sentir que ce que je puis voir et sentir (le tableau), je peux me dire que c’est «pire» ou moins «terrible» que cela que je ne sais dire à l’instant: «qui je suis». Je ne sais pas pourquoi je songe à Bacon (ma culture est pauvre, des préjugés). Je ne songe même pas à un tableau particulier (je chercherai, après). Je devine déjà que je ne vais pas «trouver», qu’il me faudrait chercher «ailleurs». Je devine aussi que je ne vais pas «trouver», «ailleurs». Sans fin toute la nuit je pourrais «chercher», comme si je devais m’y mettre, «peindre» à mon tour, «trouver» ce qui n’existe pas, ou du moins ce que je ne parviens pas à «trouver», «ailleurs». Bacon en ce moment, faute de mieux?

Je n’ai dans l’«écriture» qu’un seul «plaisir»: recommencer. Qui suis-je, ce soir. Ni sac, ni pièce. Ni homme, ni femme. Je ne connais rien d’autre que le sentiment d’exister. Cela vécu, en ce moment précis, comme un cauchemar, de ces cauchemars qui paraissent «sans issue». Mauvaise «image», on n’imagine pas un cauchemar dont on ne sortirait pas. On finit toujours par se réveiller, non? On ne se réveille pas. On se réveille, pour mourir. On ne profite pas de la mort. Je voudrais profiter. Je veux jouir. Je ne veux pas mourir, je ne veux pas «être mort». J’aimerais seulement sortir de cette carcasse, comme Bacon parvient à le montrer (si ma Mémoire est bonne), à l’intérieur de la carcasse. Ce que Beckett montre, à l’intérieur de la langue. J’aimerais l’intériorité d’une sortie. Une sortie sentie, vécue. Ce que j’éprouve parfois dans la «littérature». La vie s’ouvre, la vie se referme. Tu marches sur une passerelle, la lumière du jour (le bleu du ciel), la passerelle se détache (le poids est trop lourd). On ne sait pas pourquoi la passerelle se détache. La passerelle ne se détache pas, tu tombes. La passerelle n’existe pas. La jeune femme est restée sur le sol, pendant que je marchais dans la rue. Je ne marche plus dans la rue depuis des millions de lunes, je fais semblant. Les rues ne sont des gouffres que dans la «littérature». À Lausanne, les rues sont des rues, les passants des passants, l’univers est à peu près ce qu’il est, «en place». Parfois tu vois une limace, un escargot, une fleur dont tu ignores le nom, un oiseau. Cela, si je ne craignais pas un peu Bataille, pourrait t’exalter. Je devine que j’ignore à peu près tout de l’univers, cela m’exalte. Qui suis-je, en ce moment précis. Ni un homme, ni une femme, je sors dans la nuit. La nuit ne permet sortie que dans la «littérature». Autrefois j’ai marché dans la «vraie» nuit pendant des heures, à déchirer le ciel (je priais). Autrefois j’ai marché dans une telle nuit jusqu’à pleurer, puis me taire. Je suis rentré. On finit toujours par rentrer, mon désespoir. Je sais que j’ai tort de me «calmer», tort absolument. Comme je vais avoir tort de céder à la fatigue, en ce moment précis, me dire qu’il faut aller me coucher, que demain matin, demain après-midi, demain soir, mercredi matin, mercredi après-midi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche,…

Sac serait pour dire que je ne parviendrai pas à me déchirer. Que si je me déchirais ce serait la mort, que si je ne me déchire pas c’est ceci. Je ne me déteste pas spécialement de «contenu», de «qualité». Pour parler comme mes «ancêtres», mon «destin» n’est pas spécialement «tragique», «malheureux», «abject». Je ne sais pas ce que je déteste, peut-être que je ne déteste pas. Un désir. Je voudrais sortir. Me traverser. Être ou devenir un geste, une matière, un animal, un souffle, hors de «moi». «Lire» ne me suffit pas. «Écrire» n’arrive pas. En ce moment précis, en admettant sans raison que je me doive d’être honnête, je dirais que je suis un «pauvre type». Je me le dis, bien sûr (je ne suis pas sorti de la «culture»). Sortant de la «culture», je ne me dis plus rien. Je ne sais plus. Je me demande. Je commence à me demander. Perdu, sans forme, présent comme sans doute moi seul (à pouvoir le sentir), je pourrais mieux devenir cette femme seule, nue sur le plancher, cette voix perdue d’un corps qui n’est pas, que «moi». Je fais quoi. Je suis sur le plancher, entre le parquet et ce vieux tapis rouge, perdue. Je sais bien que je vais me «lever», finir par rejoindre «mon» lit, «trouver» le «sommeil», me résumer à «Thierry Laus» demain matin (à ses obligations). Une durée et une «identité» auxquelles je consens par lâcheté, sous la peur, en raison de quelques «fidélités». Quand je songe à mes enfants, autre chose: je ne suis pas «Thierry Laus», je suis Papa. Sac de douleur ou pièce organique, douleur ou carcasse (avec ou sans organes), en ce moment précis je suis Papa.

Bâtard assez heureux de l’Antéchrist, carcasse où finalement je me découvrirais un sexe, attaché à Beckett comme à un Espace dans lequel je n’ai pas honte de «ma» langue, Angoisse capable de s’inventer un corps pour se trouver un Semblant, ou corps capable de s’inventer une Angoisse pour se trouver un Nom, pure perte, néant dans le sentiment d’exister et cependant Quelque chose, athée,…

(Finalement sans réponse, plutôt Rodin.)

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Commentaires
T
http://thomasglens.unblog.fr<br /> <br /> on continue...
L
Bonsoir, sac de douleur, bâtard assez heureux de l'Antéchrist...<br /> Merci.
T
«Mariya Schwahn, ai-je pensé. J’entends ta voix. Je comprends à peine tes paroles, je ne comprends pas la situation, mais j’entends ta voix.» (Lutz Bassmann, Avec les moines-soldats)<br /> <br /> J’entends votre voix, de l’autre côté,…
S
Dans l'espace de la nuit il n'y a pas de séjour, sortez, vite, ouvrez le jour du séjour, la porte, il doit avoir une porte; dans "sans issue" il y a toujours une issue, une femme, cette voix...
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