Le ciel, plus bleu que jamais
Encore malade. Sans me soigner, sporadiquement contre la douleur dans la colonne, ne sachant où poser le dos. À l’extérieur les problèmes cristallisent, figures géométriques dans la glace, plus ou moins compliquées. Hiérarchiser les téléphones à faire, annonces diverses que le corps, provisoirement inexploitable, ne se trouvera pas. Fébrile, la tête suit différents cours, selon que la pente monte ou descend, ici ou là. Relit très lentement Eichmann à Jérusalem. Le mépris aveugle l’intelligence d’Arendt. Haïm Gouri, que dira-t-il. J’attends. Relire Scholem dans Fidélité et utopie, par hasard dans la chambre. Bashung aurait le cancer. Phrasé de sublime distance. Voix presque aussi belle que celle de Trintignant. Telles voix font sauter la sottise qui partage benoîtement transcendance et immanence. Ici à mourir, pas là. Sublime incarné concret. «Nouvelles» de la station orbitale, si l’on peut dire: le christianisme macabre, ressentiment et nihilisme carabinés (démonstrations prophético-symboliques du meilleur goût). Aucun intérêt. Soins palliatifs, le grand Corpus devenu minuscule, rachitique, s’affaisse, se confesse (hululements théologico-spéculatifs, hoquets culturo-patrimoniaux). La voix d’outre-tombe, maintenant de fausset. Castrat de l’Occident déconfit, cependant que le bleu du ciel, plus beau que jamais.